Dans une langue en grande partie inventée, bouillonnement de mots, éruption d’images, feu d’artifices de sens entremêlés, un spectacle tous publics avec Dieu, Adam et Eve, la guerre, le sexe, la mort, «l’exécution du porc Sapoléon», ce que vous avez voulu savoir sur l’amour, «l’arrivée au trou des forces de Pantalard Champion Premier», la danse du verbe du feu, et beaucoup d’autres fistules... à vous couper le souffle. Un spectacle tous publics, garanti sans OGM.


Note de mise en scène

Un texte, et celui-ci tout particulièrement, peut être considéré comme la partition d'une matière sonore. La langue, en grande partie inventée, n'est pas de l'ordre du discours logique s'adressant à l'intellect mais de la poïésis (création ; par ex. : “Dieu dit : "lumière" , et la lumière existe”). Le tempo, plus dionysiaque qu'apollinien, est dans l'ensemble soutenu ; il y a un "beat", une pulsation ; cette langue pourrait facilement "emporter le morceau" dans un "battle" de rap.

Le livre de Michel Bernardy Le Jeu Verbal, traité de diction à l'usage de l'honnête homme explique pas à pas comment la morphologie et la syntaxe de la phrase dictent les pauses et les intonations. Je traite Le Monologue d'Adramélech comme j'aurais fait un classique du XVIIe siècle, à ceci près que je connais avec certitude la ponctuation de l'auteur. Ma pratique de la diction s'appuie sur deux ans passés au Conservatoire Royal de Bruxelles dans la classe de Pierre Laroche, et trois ans au conservatoire de Clermont-Ferrand, ainsi qu'un stage avec André Fornier. Je citerai enfin Nika Kossenkova qui m'a donné des repères fondamentaux en ce qui concerne la voix.


Le Monologue d'Adramélech théâtralise la vie intérieure, évoque une personne humaine à travers les milliers de personnages qui la composent, les milliers d'images et de morceaux de pensée qui la traversent. Une personne qui nous ressemble, pas bien riche, effrayée par les horreurs des guerres du XXème siècle, pas très à l'aise avec le sexe, assaillie par des angoisses existentielles... "Adramélech! -Sire? -Je t'ai formé de limon. -Et où je vais?" Le texte est bondissant, l'acteur amené à changer sans arrêt de personnage et de mode (tragique, bouffon, réaliste-poétique, dramatique, vaudevillesque). Le rythme est très enlevé : c'est La Recherche du temps perdu en 50 minutes, dans une langue aux mots déformés, qui nous oblige à voir l'image poétique dans sa force et son immédiateté, avec une façon fulgurante de comprendre les choses, à côté de laquelle la réflexion a la vivacité d'un pachyderme. Si ce n'était l'anachronisme et la liberté de pensée, on pourrait dire que Novarina réalise ici le projet théâtral surréaliste.

J'ai découvert cette pièce en observant Julien Roy en faire travailler le début à Olivier Constant. Ma vision de ce monologue en est inspirée. S'il est très difficile à comprendre à la première lecture, ce texte est d'évidence passionnant à recevoir ou à jouer. Tchekhov peut ressembler à de l'eau tiède au début de la première lecture (ou mal joué), et à du vif argent quand il est bien interprété, car les personnages sont presque tout le temps au paroxysme de l'émotion. Le texte dit "prépare moi du thé s'il-te-plaît". Si l'on n'en joue que le premier degré, c'est plat. Or c'est une des phrases les plus intenses que ce personnage dira de sa vie : il parle pour la dernière fois à celle qu'il aime ; dans sa poche, un revolver chargé dont il est déterminé à se servir pour en finir.


On est à l'opposé du théâtre de Sartre, ou du "théâtre dans un fauteuil". Ce texte n'est pas fait pour être lu mais pour être partagé lors d'une représentation ; ce n'est pas à l'intellect qu'on s'adresse ici. Mis à part le récit du "passeur" Illico et quelques brefs passages, on ne peut comprendre que si l'on accepte de ne pas comprendre, le sens est préconscient, les images sont fortes et ambivalentes, ce sont des flashes comme dans les rêves où l'être entier entre en résonance. Le sens se révèle progressivement au comédien au fur et à mesure du travail consistant à se pénétrer du texte, pour être, lors de la représentation, transmis de façon immédiate au public. L'interprétation s'appuie sur l'évidence, la nécessité intérieure. Le jeu cherche à exprimer sincèrement et simplement la réalité intérieure dans une forme dépouillée, nue, non parasitante.

Mon solo précédent, Imagies , partait du principe d'accrocher les gens et de leur plaire, pour ensuite chercher le maximum de qualité artistique.

Là, je suis parti du principe inverse : le texte de départ impose une grande exigence. L'œil extérieur que j'ai choisi partage ma vision de l'écueil qu'est une certaine forme de jeu "insincère", "faux". Un autre garde-fou est une sainte haine pour la joliesse.

Le 19 et le 20 semptembre 2009, les gens du public, pour un bon quart assistant à leur première représentation théâtrale, ont été tenus en haleine et on pris plaisir à voir le spectacle.

Je n'avais rien voulu lire avant cette création de peur de suivre ma tendance à partir d'un point de vue trop intellectuel. Pas question non plus de chercher à porter un propos ou un questionnement politique (alors que tous mes spectacles ont été, d'une façon ou d'une autre,"engagés"). C'est la pratique "bête" de la déclamation sur les planches qui m'a guidé. Le résultat est subversif, par les images de guerre, la façon d'évoquer la sexualité, divers propos, mais surtout par l'exemple du dépassement de soi, et celui d'une liberté essentielle.


La lecture de l'édition de 2009, reprécisant certains détails, a confirmé beaucoup des intuitions que j'avais eues dans le travail.


La lecture du Théâtre des paroles confirme la sensation que je suis exactement dans la bonne direction. Je suis au pied d'un chouette monticule de lecture, mais les planches me manquent, j'ai besoin de recommencer.

J'étais convaincu dès la fin des représentations qu'il restait un énorme travail. Le visionnage de la vidéo me montre que j'étais encore loin du compte. Si la pratique de la diction ne coûte rien, pour m'offir une semaine ou deux sur un plateau avec Florence Bernard, il faut des fonds.